Quand les curieux consultent sa fiche Hendon Mob, ils s’aperçoivent de deux choses. Tout d’abord, qu’il fait partie des joueurs dits professionnels qui gagnent leur vie correctement (environ 500 K$ en 5 années) et que ses principales victoires et son bracelet, ont été acquis en PLO. Pot Limit Omaha. Une variante du Texas Holdem. Le simple mot variante semble faire référence au jeu roi. Les échecs. Du coup, plutôt que d’utiliser le simple vocable pro, nous serions presque tentés de lui attribuer le titre de Maître International voire de Grand-Maître. A tort ou à raison ? Demandons-le lui.
PS. Les grands esprits se rencontrent… 4 ans après, Big Roger me demandait d’écrire un article (en 2016) sur cette éventuelle classification de Maître et Grand Maître, adaptée au poker.
♠ Bonjour Elie. Curiosité, pratiques-tu les échecs, Élie ?
– Elie Payan. Hé bien non, désolé !
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♠ Nous avons suggéré que tu gagnais ta vie confortablement. Est-ce réellement le cas ?
– EP. Whaouuuu… 100 K€ par an ça doit être génial ! Malheureusement, la variance et les limites auxquelles je joue, ne m’ont jamais permis d’atteindre ces montants-là. J’ai joué en partie stacké (c’est à dire financé pour partie par des tiers) ce qui m’a permis de limiter mes dépenses et investissements, mais bien entendu également les gains inhérents à ces tournois « stackés ». Ma propre expérience ne me permet pas d’être trop péremptoire quant à savoir si oui ou non, on peut faire « le circuit »… Cependant, en partageant nos expériences avec de nombreux amis professionnels ou passionnés, nous somme arrivés à la conclusion que cela ne suffisait pas.
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♠ Quand on gagne 100 k$ par an, (environ 75 k€) est-on libre de continuer à faire le circuit que l’on veut ?
Rapide calcul : 3 éléments indispensables. Nourriture, logement sur place, frais de déplacements très importants. Ce dernier point se calcule en dizaines de milliers de kilomètres. Rien que pour les WSOP, cela flirte avec les 50000€ sans faire la moindre folie. Ensuite, faisons le Main Event et une dizaine de side entre 1 000 et 5 000 € et tu arrives déjà à 30 K€. Je pense que les 75 000 euros seront dépensé uniquement en buy in ! J’adore les nuits à la belle étoile, mais quand même !! Il y a des limites pour être en forme le lendemain matin…
♠ Tu as dit lors d’une ITW datant de quelques années, « on ne fait plus le tour du monde sans sponsor ». Est-ce pour toi aussi limpide pour le poker que pour la Route du Rhum ?
– EP. Aujourd’hui, tu as 3 possibilités pour faire le circuit mondial :
– Tu as un joli contrat avec un sponsor qui te demande de te rendre dans tous les évènements majeurs mondiaux, comme Elky par exemple.
– Tu gagnes le Main Event une année avec 100% de ton action… tu prends 7 ou 8 M€ et ensuite, tu peux « t’amuser »… Autant vous dire « Bonne chance à vous pour décrocher la cagnotte de l’Euromillion ce week end »
– Tu fais partie d’un groupe de gros joueurs et tu te fais stacker, tu « swap » des pourcentages… Bref, tu limites la variance en partageant et les risques et les gains, comme ont pu le faire certains grinders pour jouer aux plus hautes limites.
Autant dire Janluk, que les possibilités sont plus que restreintes. Et aussi limpides que pour la Route du Rhum !
♠ Comment vois-tu, à l’aube de 2014, l’avenir du sponsoring traditionnel pour les joueurs de poker ?
– EP. Très incertain en France. Pour ne parler que de notre pays. Tant que le marché européen ne sera pas unifié, les opérateurs n’auront pas les moyens de redévelopper cet outil de communication. Les budgets marketing sont serrés et donc concentrés sur des moyens d’acquisition de joueurs plus larges (TV, Web, etc…) Après, il faut savoir se montrer créatif, sortir des sentiers battus et proposer des actions différentes et efficaces.
Ensuite, le marché américain commence à bouger, l’Asie croit très rapidement et le développement potentiel de l’Europe de l’Est, reste très important. Autant de relais en terme de croissance, qui permettront sûrement au marché traditionnel de survivre, voire de connaître un redéploiement actif !
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♠ Est-ce que gagner sa vie au poker, est plus aisé en PLO qu’en tournoi classique ?
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– EP. Le niveau moyen en PLO de tournoi étant moins élevé qu’en NLH, il est surement plus « facile » pour un bon joueur PLO d’être dans l’argent. Cependant, la variance y est beaucoup plus forte. Le cash game reste le meilleur moyen de gagner de l’argent sur le long terme, que ce soit en PLO ou en NLH.
♠ Le fait d’avoir 4 cartes privative en PLO oblige à multiplier les hypothèses et les statistiques : ta faculté de lecture est-elle facilitée par les difficultés en calcul mental de tes adversaires ?
– EP. D’une manière générale, moins de joueurs sont passionnés par le PLO. Le « savoir » étant moins important, les joueurs n’ont pas la même connaissance des statistiques, lesquelles sont moins simples à calculer. Au moment M de la décision, s’entend ! C’est plutôt la maitrise des basiques qui fait la différence ; la position ne se joue pas de la même manière, de même que le contrôle du pot, la sélection des mains de départ etc… Si chacun connaissait les basiques, je peux vous assurer que je n’aurais pas la même réussite dans cette variante. Comme souvent et cela dans n’importe quelle discipline, ce n’est pas l’expertise mais bien l’erreur qui génère les écarts !
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♠ Crois-tu que les offres style « Expresso, gagnez jusqu’à 100 k€ » ou « la Maison du Bluff », soient de réelles solutions pour ceux qui veulent tenter l’aventure ? Ou ne sont-elles pour toi, que des miroirs aux alouettes, une façon déguisée de dévier le poker de ses racines ?
– EP. Personnellement, je pense que ce sont d’excellents initiatives. Ce sont des moyens pour attirer des joueurs qui ne seraient pas venus autrement au poker. Ces idées sont très bien exploitées et assurent un renouvellement des joueurs. Cela attise la passion des gamblers et met en avant l’esprit du jeu. Un jeu où un amateur peut battre un pro ! Evidemment, gagner un Expresso à 100 K€ ou la Maison du Bluff n’assure pas pour autant de devenir un joueur gagnant sur le long terme. Donc de gagner sa vie avec le poker. Mais je suis sûr que ce n’est pas mauvais pour le poker français.
♠ Les conséquences tirées par les rooms te semblent-elles être plutôt d’ordre juridiques ou fiscales ?
– EP. Houla ! Je ne suis pas sûr de bien comprendre parfaitement la question… Ce qui est certain, c’est que la fiscalité actuelle ne permet ni l’essor ni la pérennité des opérateurs. Juridiquement, le marché a été défini de manière très restrictive, en fermant les frontières à l’heure de l’espace Schengen… Tu peux être une société du Cac40 et rapatrier des fonds au Grand Duché du Luxembourg, mais tu ne peux pas faire une partie de poker avec un italien ! Exemple de logique à la française !
♠ Considères-tu le stacking comme des unités de « soins palliatifs » indispensables face au coût exorbitant des buy-in internationaux notamment ?
– EP. Le stacking est un outil parfait pour participer à des tournois et pour limiter la casse de la variance. Les buy-in internationaux ne sont pas forcément exorbitants. Un 1 000$ aux WSOP ne représente pas plus qu’un BPT. Tu joues avec 3 000 joueurs et tu peux empocher 400 K€… Mais même pour 1 000$, les joueurs swap ou se font stacker. Je trouve le principe extrêmement utile et efficace à toutes les limites, d’ailleurs.
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♠ Tu as été sponsorisé durant 1 année chez Betclic. Aujourd’hui, quelle leçon (positive ou négative) en tires-tu ?
– EP. Que rien ne sert de courir, il faut partir à point. J’ai eu la chance d’être sponsorisé, mais pas forcément au meilleur moment pour Betclic. Il y a eu beaucoup de réorganisation, de changements en interne. Leur stratégie de développement à l’époque, n’était peut être pas encore clairement définie. Rien que dans le staff, il y a eu un turn over impressionnant, donc nous n’avons pas pu exploiter notre relation à 100%.
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♠ Nous percevons, de la part des organisateurs de tournois européens et internationaux, un certain prosélytisme. Visant à « interdire » l’accès des MTT intéressants au plus grand nombre. Est-ce délibéré selon toi ?
– EP. Alors là, il faudrait leur poser la question directement. Je n’ai pas ce sentiment. L’offre en terme de tournois est aujourd’hui immense. Peut être même un peu trop. Il existe des tournois pour tous les joueurs et pour toutes les bourses. Turbo Poker, Unibet et Barrière offrent des DSO, BTP et autres Poker Open qui sont autant de possibilités accessibles au plus grand nombre. Après, il reste les intouchables highroller et autres re-entry démentiels. Ces tournois sont là pour satisfaire les joueurs de high stakes, qui ne désirent pas jouer les 1 k$ et se contenter de gagner 35 k$… Prenons l’exemple du circuit WPT. Ils ont créé différents types d’évènements pour satisfaire tout le monde. PokerStars fait de même avec les EPT et les FPS/RPT/ IPT… Et encore une fois, internationalement, les WSOP restent très accessibles avec beaucoup de tournois à faible buy-in.
Merci Elie, et… bonne continuation !
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1 commentaire
Par nicolas
le 12 décembre 2013
pour avoir essayer, pas facile le Omaha. Bravo champion