Préface.
Étrange impression, celle d’avoir tout fait à l’envers. Dans tous les envers du terme. Je ne suis ni surpris, ni malheureux. C’est un fait. Un fait dont je n’ai réellement pris conscience, qu’en ce jour de Toussaint 2015. Mais j’avoue que j’avais eu déjà, un tout petit aperçu de ce que pourrait être ma vie, un samedi après-midi de 1973. J’étais allé, comme souvent le week-end, chez mon vieil ami Claude, à Gournay-sur-Marne, dans la somptueuse villa de ses parents.
Lui et moi n’étions pas du tout « nouvelle vague ». Nous écoutions plutôt Charles Aznavour. Nous portions un intérêt particulier à quelques chansons qui, je m’en aperçois aujourd’hui, n’étaient pas vraiment gaies pour les gamins de 18 ou 20 ans que nous étions ! Claude était de 1955 et moi je suis de 54. Par exemple, « Me voilà seul », que mon ami connaissait par cœur. Il fredonnait en souriant :
« C’est vrai, ils sont pas toujours fins, fins, fins mes copains…
Mais j’les voyais. Elle n’y t’nait pas ! »
Charles Aznavour à 36 ans…
Là pourrait commencer ma vie à l’envers puisque Claude poursuivait d’une voix très juste :
« J’buvais un peu oh, pas beaucoup,
mais même un peu, elle aimait pas ! »
Il improvisait sur piano ou sur un orgue électronique, à l’oreille, en tâtonnant. Quant à moi, je prenais des leçons de piano classique depuis l’âge de 10 ans. J’étais d’ailleurs trop classique et incapable d’improviser. Jazz ou variété. Il me fallait une partition. Il n’y a que « Love me please love me » ou « Âme câline » que je suis parvenu à jouer correctement et sans partition. Cet air me fascinait et nul doute que le doigté nécessaire à son exécution, fut une sorte de gageure à laquelle je me suis accroché. Mon professeur de piano était, quant à lui, un élève de Czyffra (ce dont je n’avais rien à faire) mais surtout un ancien camarade de promo, à l’École Normale Supérieure de Musique, de Michel Polnareff. Ce qui m’aida à abandonner Czerny pour les Beatles, puis, très rapidement… le piano tout court ! 12 ans de gammes, cela m’a suffi. Et puis, j’en savais assez pour m’amuser seul, pour jouer de temps à autres l’Adagio sostenuto opus 27 N° 2…
Là pourrait commencer ma vie à l’envers disais-je donc : pourquoi ? Parce que je n’avais bien sûr rien fait de tout ce que racontait Aznavour, mais néanmoins, je sentais déjà qu’un jour, cela pourrait m’arriver. Attention, pas cette étrange sensation de déjà vu ou déjà vécu, qui nous arrive à tous, plus ou moins une fois dans notre vie. Non, une sensation qui ressemblait au contraire à : « Cela, je suis certain que cela m’arrivera ! Que cela pourrait m’arriver ! » Comme un fait acquis, une certitude. Nous écoutions aussi « Il faut savoir ». Claude avait attiré mon attention sur une métaphore qui me semblait à moi également, très bien trouvée :
« Il faut savoir, quitter la table,
lorsque l’amour est desservi… ».
Le genre de conseils que l’on sait donner aux autres, sans jamais les mettre en application pour soi-même.
Donc, nous avions 18 ou 20 ans et nous étions plus du genre restaurants étoilés que discothèques. Dégustation de Grands Crus que rally ou boom. Tenues classiques que Levis patte d’éléphant. Les qualificatifs ou injures ont sifflé dans mes oreilles de la terminale à aujourd’hui : « ringard, has been, poujadiste, rétrograde, conservateur… Puis, à H. IV, en prépa à l’ESM St Cyr, facho, néo-colonialiste, nazi, antisémite. Réactionnaire c’était dans le meilleur des cas… mais le plus souvent !
Mon premier vin dégusté en 72…
J’avoue que lorsque j’ai créé mon blog de poker, 40 ans après, être traité de réactionnaire par une certaine Anne Sophie, m’a fait rire. Pourquoi ? Parce que je n’ai jamais compris ce que voulait réellement dire ce mot ! Et chaque fois que j’ai demandé à la personne concernée, « Mais que signifie ce mot dans ta bouche ? » Hé bien, jamais je n’ai eu de réponse correcte ou appropriée. C’est d’ailleurs peut être parce que je le suis « réactionnaire », que je commence ce recueil , cet essai ?
En revanche, Georges Marchais m’a traité aussi de réactionnaire en 1974, et cela n’avait sûrement pas le même sens qu’en 2012 sur mon blog poker.
A suivre.
PS. Je ne partage pas sur Facebook, je ne mets pas à la une de tablerase.fr. Je ne serai donc lu et critiqué que par les curieux… Ariane, Kelly, Bruno, Ronan … Liste non exhaustive.
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5 commentaires
Par Brduke
le 9 novembre 2015
Merci pour ce début d’écriture retraçant de bons souvenirs. Si tu es en Mission, je suis du Millésime 😉
Par Janluk
le 9 novembre 2015
merci de me jauger !
Par Roubachoff
le 16 novembre 2015
Si vous continuez ce retour sur vous-même, vous avez au moins un lecteur…
Vous connaissez Bernard Dimey ? Voici un texte qui me paraît en phase avec votre propos.
Cordialement
« Il ne faudra jamais
Dire tout ce qu’on a vécu
Ça ne regarde pas
Les gens du temps qui passent
Ni mes histoires de coeur
Ni mes amours déçues
N’avantageront
Mon reflet dans la glace
Je suis un enfant
Qui marche à pas comptés
Entre des HLM
Et des fleurs en plastique
Entre trois cimetières
Et quatre vérités
En plein coeur d’un présent
Qui va fermer boutique
Il ne faudra jamais dire
Ce qu’on a compris
On l’a fait par hasard
Et sans aucun mérite
Quand j’ai vidé ma poche
Il me reste le prix
De quatre roses rouges
Et d’un cornet de frites
Il ne faudra jamais
Révéler nos secrets
Ça ne regarde pas
Les gens qui nous regardent
Ils viennent d’un pays
Où plus rien n’est sacré
Ils crèvent entre copains
Tant pis, que Dieu les garde
Il ne faudra jamais dire
Qu’on était heureux
Qu’on avait du talent
Qu’on était magnifiques
Que d’un exploit d’huissier
On savait faire du feu
Et que du mal d’amour
On faisait des musiques
Il ne faudra jamais dire
Qu’on était idiots
Qu’on ne savait rien
Mais qu’on vivait quand même
Quand on a dégusté
Sa jeunesse au goulot
Avec la mort qui vient
On peut faire un poème »
Par Frédéric LEFRANCQ
le 17 novembre 2015
Merci pour ce texte M.Roubachoff.
C’est exactement ce qu’il faut faire…ou pas justement !
Par Frédéric LEFRANCQ
le 17 novembre 2015
L’on m’avait dit que la curiosité est un vilain défaut.
Je n’y avais jamais cru… encore pour preuve aujourd’hui !
A l’heure des bilans, seuls comptent les soldes positifs.
Et, dans la balance, ne pèse que ce qu’on y dépose…
Chaque ligne d’écriture n’a-t-elle rien d’affectif,
Pour celui qui l’a tant recherchée, la vie en rose ?
Et de réactionnaire, pour celui qui vit à fleur de peau,
C’est dans son regard que l’on voit si c’est académique,
Et de ses réactions, il s’en fait le porte-drapeau,
Même à contrevents, elles ne sont pas que sémantiques…