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Je ne sais pas pourquoi, j’ai passé cette journée de mardi à ruminer et maudire le temps présent. En fait, je sais pourquoi : ma première nouvelle, ce matin, fut que mon dossier de Retraite prenait encore du retard. De 4 mois prévus initialement, le retard est passé à 6 mois. Dieu merci, comme l’écrit le bonimenteur Arplay-ribe, le poker est un second métier. Par conséquent, en attendant mes futurs versements des différentes Caisses de Retraite, je peux en vivre très largement… Sacré Sylvain !
Bref, je pensais au fil des heures, à notre classe politique en les maudissant. Et aux effets pervers que celle-ci engendrerait, sur nos enfants et petits-enfants. De fil en aiguille, maugréant de plus belle, je me demandais quel homme politique, (connu durant mes années de vie), aurait pu remédier ce jour à la situation sociale et économique de notre pays. (Je pensais égoïstement aussi, à mon dossier de retraite). Mon esprit hésitait, passait en revue les Pierre Mendes-France, Edgar Faure… Puis sautait de Jacques Delors à JJSS, puis en revenir à Jacques Duhamel. (Ce dernier, parti trop tôt et dans d’horribles souffrances). Le fait d’incarner en rêve, le suffrage universel à moi seul, me redonna un léger sourire… Le sourire carnassier du dictateur en herbe ! A noter que chacun d’entre eux, eut pu être candidat et gagnant des Maisons du Bluff antérieures. Dirigées par Doyle Brunson, sans doute, à l’époque !
Ayant choisi mon homme providentiel, Edgar Faure, je n’ai plus su me l’ôter de la tête. De 9H00 à 23H30, heure à laquelle je me mis à jouer avec mon mulot. Penser à cet homme exceptionnel que fut Edgar Faure, me revigora au fur et à mesure que remontaient mes souvenirs…. Comme une chanson, un air lancinant qui ne vous quitte pas de la journée ! Edgar Faure, exceptionnel par son brio, son énorme intelligence, sa culture, son charisme, ses bons mots, sa carrière et son bon sens. Son accent du sud-ouest, auquel se rajoutait un léger cheveu sur la langue, produisait toujours sur les Assemblées devant lesquelles il prononçait ses discours, les effets les plus surprenants : allant d’un silence religieux à une guerre des pupitres, de la tristesse à des éclats de rires unanimes et tonitruants, dans chaque hémicycle, unanime pour une fois ! Un grand tribun, un orateur hors pair ! (Pas un Mélenchon en carton) ! Sans vouloir rappeler le nombre de fois où il fut élu ou nommé Président du Conseil ou ministre, cet homme, sans réel parti ou appareil politique pour en faire un homme présidentiable, il disait :
« Il n’y a que deux hommes qui auraient pu empêcher la Révolution Française : Turgot, mais il était mort avant celle-ci, et moi qui n’étais pas encore né ».
Il jouait de sa faconde et de sa bonhomie, pour mettre en avant, (sans trop agacer la classe politique), ses résultats les plus brillants, ses vantardises les plus enfantines.
Cet homme politique, cet écrivain et romancier, était dans la lignée de Pierre Mendes-France. L’école du bon sens. L’ère des avocats aussi. Je me rappelais qu’il écrivit nombre de romans, sous le pseudonyme de Edgar Sandé (sans D). Contrairement à Edgard Pisani. Oui, tout au long de cette journée, j’ai songé à cet homme, qui était et restera inclassable. Je me souviens d’une émission avec Jacques Chancel, où ce dernier lui posait une question (de mémoire) :
« Monsieur le Président, pouvez vous me citer 3 hommes politiques et/ou 3 orateurs exceptionnels ? ».
Le Président Faure fit durer le suspense et au bout de 15 secondes répondit :
« Je ne parviens pas à trouver les deux autres ! ».
Un humour et une répartie cinglante, qui lui fit (souvent) répondre aux journalistes qui le traitaient de girouette en politique :
« Ce n’est pas la girouette qui bouge, ce sont les vents qui changent de direction ! »
Il adorait reprendre aussi cette citation du Cardinal de Retz en la transformant : le Cardinal a écrit dans ses mémoire : « Il faut souvent changer d’opinion pour être toujours de son parti.” Edgar Faure, quant à lui, lui préférait celle-ci :
« Il faut savoir changer de parti pour ne pas changer d’idée. »
Et c’est vrai ! Il a toujours suivi ses idées, qui se sont avérées (le plus souvent) justes. D’où ce bon mot d’Edgar :
« C’est un tort que d’avoir toujours raison. »
2 mars 58, à l’initiative d’Edgar Faure (Conférence d’Aix les Bains)
le Maroc prend son indépendance et devient
le Royaume du Maroc avec le souverain M. V
Alors je me disais que oui, décidément, c’est un homme comme lui qu’il nous faudrait en 2017. Je me souvenais bien sûr, de ses frasques. Edgar adorait les femmes. Il en usait comme d’un besoin qu’il avouait à ses proches. Il disait que son chef de cabinet avait, de tous les fonctionnaires sous ses ordres, le travail le plus ardu et nécessitant le plus de diplomatie. Avec Lucie Faure s’entend ! Il a avoué avec malice, lors d’une réunion familiale rapportée par son petit fils :
« Lorsque j’étais ministre, je n’ai eu que quelques refus de la gente féminine. Lorsque je fus Président de l’Assemblée, je n’en ai plus eu un seul ! »
Oui, une figure comme lui ferait du bien à la classe politique française ! Imaginez-le entre Hollande et Valls ! Avec son franc-parler, il aurait tout d’abord pris à parti DSK en le traitant de petit joueur ! Il prétendait avec coquetterie n’avoir jamais dormi seul. Les jolies femmes se pressaient autour de lui. Il adorait la table, les bons vins, il gagnait de l’argent qu’il économisait. Son intelligence fulgurante, son humour et son charme étaient dévastateurs. Ses humeurs aussi… Pensez que ce Monsieur a jeté un gant au travers de la figure de Turlupin ! (JJSS, Président du Parti Radical) en lui disant :
» Choisissez votre témoin et un pré. Je vous lance un défi au fleuret. »
Et d’avouer (après avoir réglé le différend chez Taillevent, j’y étais) que c’était mieux ainsi, n’ayant jamais su manier le fleuret. Après avoir relu quelques passages de ses biographies, j’étais de moins méchante humeur. Presque de bonne humeur…
« Edgar Faure est de ceux dont les manuels d’histoire ne savent pas quoi faire »…
…disait un homme politique de gauche, je crois. E. Faure analysait la situation politique avec le recul que lui conféraient ses 70/80 ans, certes, mais cet homme brillantissime avait compris ce que nous ne voyons plus facilement, que 30 ans après son décès. La politique, disait-il ? Sous la III ème République, les avocats y réussissaient assez bien puisqu’ils occupaient un poste de Président de la république et du conseil sur deux, et y siégeaient encore quelques 180 représentants au Parlement. Sous la IV ème République puis la V ème, ils sont progressivement remplacés au Parlement par des fonctionnaires. Très majoritairement des enseignants, en 1981. Il suffisait d’être instituteur, de porter la barbe ou le collier et d’avoir adhéré au PS la veille pour décrocher l’investiture. L’évolution de ces professions a rendu presque impossible la compatibilité des deux activités judiciaires et politiques. De là à dire que nos représentations parlementaires ont perdu de leur qualité intrinsèque, si le Président Faure ne l’a pas dit, le blogueur que je suis, l’écrit.
Le Président de Gaulle et le Ministre de l’agriculture Faure
Je songeais encore, en conduisant ma voiture dans l’après-midi, que les effets de manches, la poudre aux yeux, l’humour, les bons mots, l’insolence et les paradoxes qui constellaient les discours d’Edgar Faure, étaient rafraîchissants dans un pays qui devenait terne. L’éloquence de la chaire se terminait, les communicants normalisateurs ont fait petit à petit, disparaître les tribuns dont il faisait partie. Aujourd’hui, avec le Net, à part ce brouhaha mondial d’informations qui deviennent aussi anodines que des faits divers, aucune voix ne perce pour nous dire quelques bons mots du genre :
» En 24 heures, j’ai été renversé, dissous et viré « .
Il prenait avec humour le fait que, sous la IV ème, son gouvernement ait été renversé. D’où sa décision de dissoudre l’Assemblée (chose qui n’avait jamais été faite depuis Mac Mahon). Devant cet acte « inadmissible » son parti l’a exclu… D’où la citation ci-dessus pré-citée. En attendant de nouvelles tâches ministérielles, il prépara son doctorat en Droit Romain (le plus difficile), avant de se remettre au service de la République. Pour mémoire, il était avocat à 21 ans : il fut nommé vice-Procureur Général-Adjoint au Tribunal de Nuremberg. A 38 ans, cet avocat français contre-interrogea le dignitaire nazi J. Von Ribbentrop, Ministre des Affaires Étrangères d’Hitler, placé entre R. Hess et Goering au Tribunal de Nuremberg. Il a mené l’affaire à son terme.
Et ni son accent, ni son zézaiement ne firent rire les criminels de guerre !
Edgar Faure fut élu le premier, Fumeur de pipe de l’année,
suivi depuis par d’ autres personnalités telles que ;
Jean Richard, Nino Ferrer, Marc Pointud, Michel Drucker…
Un homme politique de gauche, avocat également, haranguait la foule lors de son éloge funèbre. Cet extrait vaut tous les articles, et dit tout.
« Vous, conservateurs de droite, heureusement que vous aviez Edgar, pour faire les réformes dont vous êtes congénitalement incapables !
Et vous, progressistes de gauche, comment oser vous vous plaindre du fait que vos idées, (intelligentes), aient été appliquées par un homme qui, lui, savait les mettre en place !
Parti Radical, de gauche et de droite, MRP. UNR. UDF. UDR. RPR. RGR, peu importe ! Ce sont les partis qui tuent les convictions et brident l’imagination. Ce sont des machines à fabriquer des disciples, puis à les désespérer.
Edgar n’était le disciple de personne et n’en a enfanté aucun. Les partis étaient à ses yeux, des jouets, qui lui ont rendu au centuple son mépris légendaire« .
Il est 01H37. La journée est enfin passée et ma mauvaise humeur s’est envolée ! Je ne peux vous quitter sans avoir cité cette amicale vacherie que Faure dit à Chevènement, ayant tous les deux été Ministre de l’Éducation Nationale, mais à 15 ou 20 ans d’écart :
« Je crois, cher ami, avoir été le meilleur ministre de l’Éducation Nationale, sous la Vème République. Chronologiquement, voulais-je dire 😉 »
Conseil de lecture facile, généraliste : « Edgar Faure, secrets d’état, secrets de famille » Par Rodolphe Oppenheimer-Faure, petit fils d’Edgar Faure. FNAC, Cultura, Leclerc.
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14 commentaires
Par brduke
le 27 avril 2016
Merci pour ce clin d’oeil à ce grand homme, pour qui une grande sympathie émane des Français.
Sa mort fit et fait encore parfois couler l’encre 😉
Par Janluk
le 27 avril 2016
Merci l’ami Bruno !
Par Nordine Bouya
le 27 avril 2016
Vraiment FORT ce Edgar (sans D)
Par brduke
le 27 avril 2016
cet Edgar :p
Par Janluk
le 27 avril 2016
Cet Edgar 😛 voulais-tu faire ?
Par brduke
le 28 avril 2016
Non, il l’avait écrit au milieu de sa phrase, donc minuscule !
:p
Par Ronan
le 27 avril 2016
courage ! Car je connais ta situation et ce retard te ronge, ton humour t’occupe ! A très bientôt
Ronan
Par Janluk
le 27 avril 2016
C’est vrai que tu connais notre vraie vie depuis 5 ou 6 années ! Les très hauts ne compensent pas la force qu’il faut pour supporter les très bas !
Mais il faut se dire que nous sommes chanceux. L’humour règle bien des préoccupations morales insoutenables et je ne peux m’empêcher de me mettre à la place de tous ces braves gens, ayant travaillé leur vie entière, ‘mais pas à la SNCF…) Mettons dans 15 PME. Avec des bulletins de paie écrits à la main etc….
Cela engendre de grands malheurs ! Les Caisses de retraites, ou la CNAV devrait mettre en place dès le jour J, un minimum vieillesse de substitution puisque de toutes manières, les anciens salariés ou chômeurs y auront droit, une fois passé l’âge requis !
Si c’est une question de trésorerie, j’ai peur et je comprends pourquoi notre beau pays, a perdu sa classification, sa notation A, à la Banque Mondiale !!
Bonne soirée RO !
Par brduke
le 28 avril 2016
« Les Caisses de retraites, ou la CNAV devraient mettre en place dès le jour J, un minimum vieillesse de substitution puisque de toutes manières, les anciens salariés ou chômeurs y auront droit, une fois passé l’âge requis ! »
Elémentaire mon cher Bertson, mais tu sais comme moi que l’ENA ne forme pas, mais déforme…
Lamentable de laisser perdurer de telles situations pour celles et ceux qui ont largement cotisé toute leur vie, alors que des milliers d’arrivants, vierges de toute participation, …
Par Ronan
le 27 avril 2016
oui mon JLB ! Certains ne connaissent pas leur bonheur et se plaignent pour des bagatelles, je sais ce que tu traverses et la force intérieure que tu montres pour faire face. Tu sais sur qui tu peux compter le cas échéant ! Rien à rajouter
Par brduke
le 28 avril 2016
+ 1
Par Janluk
le 4 mai 2016
Merci. +2
Par Jocelyne PIVRON
le 20 mai 2016
MERCI monsieur. Je vais de ce pas acheter ce livre , sans aucun doute passionnant, sur cette personne(et non personnage) qui ne l’est pas moins.
Sans être nostalgique, je ne vois pas d’E.Faure aujourd’hui.
La culture est ce qui manque à la plupart des politiques; Heureusement il y a encore des Vedrine, Chevènement,….et vous qui pouvez écrire un article (très bon parce que juste et impartial) sur Guillaume DARCOURT (ou vous savez faire le distingo entre la personne douée et attachante et le réalisateur)
et un sur E FAURE, L’éclectisme est aussi une forme d’intelligence. Merci encore
Par Janluk
le 20 mai 2016
Merci Madame Pivron pour ces quelques lignes, desquelles je note comme une flatteuse appréciation. Merci encore.
Je me souviens ma seconde épouse, qui était tourmentée par la notion d’intelligence pure… Elle m’a maintes fois posé la question de savoir comment je définissais ou définirais « l’intelligence » en quelques mots ?
J’ai toujours répondu de la même manière, à savoir : l’intelligence, selon moi, est la faculté de s’adapter. A tout en toutes circonstances. L’évolution, après, est affaire de perception(s). J’entends sur terre, avec les hommes. Jeunes ou vieux, instruits ou pas, vifs d’esprit ou plus lents, de quelque CSP qu’ils soient, également ! Bref, je n’ai jamais varié. Je continue de le penser et m’exerce en tentant de m’adapter à ce milieu si spécial qu’est le monde du jeu, et plus spécifiquement, du poker… Je n’y parviens pas toujours.
J’imagine que vous ne devez pas être loin de penser la même chose, en citant des mots très lourds de signification, voire de conséquences : éclectisme et impartialité.
La polymathie est un « art » que possédait Edgar sans D. Je ne connais pas G. Darcourt. Je me suis contenté de le « juger » sur pièce. Il m’a convaincu !
Merci encore, bon week end, JLB