PANISSE (impatient)
Eh bien quoi ? C’est à toi !
ESCARTEFIGUE
Je le sais bien. Mais j’hésite…
M.BRUN
– Allons, capitaine, nous vous attendons !
– C’est que la chose est importante !
– C’est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd.
– C’est pour ça que je me demande si Panisse coupe à cœur.
– Si tu avais surveillé le jeu, tu le saurais.
– Eh bien, dis-donc, ne vous gênez plus ! Montre-lui ton jeu puisque tu y es !

– Oui, et je me demande toujours s’il coupe à cœur.
– Et je te prie de ne pas lui faire de signes.
CÉSAR
Moi je lui fais des signes ? Je bats la mesure.
– Tu ne dois regarder qu’une seule chose : ton jeu. (A Escartefigue.) Et toi aussi !
– Ne vous fâchez pas, Panisse. Ils sont cuits.

– Moi, je connais très bien le jeu de la Manille, et je n’hésiterais pas une seconde si jâvais la certitude que Panisse coupe à cœur.
– Je t’ai déjà dit qu’on ne doit pas parler, même pour dire bonjour à un ami.
– Je ne dis bonjour à personne. Je réfléchis à haute voix.
CÉSAR (à Panisse)
– Tu te rends compte comme c’est humiliant ce que tu fais là ? Tu me surveilles comme un tricheur. Réellement, ce n’est pas bien de ta part. Non, ce n’est pas bien.
– Allons, César, je t’ai fait de la peine ?
– Non, tu me fais plaisir.
Quand tu me parles sur ce ton, quand tu m’espinches comme si j’étais un scélérat… Je ne dis pas que je vais pleurer, non, mais moralement, tu me fends le cœur.
– Allons César, ne prends pas ça au tragique !
– (A Escartefigue.) A moi il me fend le cœur. Et à toi, il ne te fait rien ?
– Est-ce que tu me prends pour un imbécile ? Tu as dit : « Il nous fend le cœur » pour lui faire comprendre que je coupe à cœur. Et alors il joue cœur, parbleu !
Tiens, les voilà tes cartes, tricheur, hypocrite ! Je ne joue pas avec un Grec ; siou pas plus fada qué tu sas ! Foou pas mi prendré per un aoutré ! (Il se frappe la poitrine.) Siou mestré Panisse, et siès pas pron fin per m’aganta !